Oui, je suis autiste Asperger.
J’ai reçu mon diagnostic officiel il y a 8 mois. Cela faisait plusieurs années que j’étais rongée de doutes, que je cherchais des réponses à ma façon de ressentir les choses, de faire partir du monde qui m’entoure. J’essuyais les reproches des personnes de mon entourage, de mes supérieurs hiérarchiques, sur mon comportement et/ou de ma façon de travailler (trop vite, trop dans la lune, trop énergique etc…) Puis, comme la majorité des cas de femmes asperger, j’ai cherché le diagnostic lors d’une dépression sévère.
Pourtant, malgré un diagnostic officiel, confirmé par plusieurs spécialistes en psychologie et psychiatrie, j’entends encore la phrase « Mais non ! T’es pas autiste, autiste, c’est pas ça. »
Ce post je l’écris donc pour moi, pour vous et aussi pour toutes les personnes neuro-atypiques que vous pourriez rencontrer. Et pourquoi pas, toutes les personnes que vous pourriez rencontrer au final.
L’autisme n’est pas une maladie mentale, je n’ai pas attrapé l’autisme à 30 ans. J’ai eu mon diagnostic à 30 ans. J’étais une enfant autiste, une adolescente autiste et je suis encore et toujours autiste asperger. L’autisme est un trouble envahissant du développement, mon cerceau a des connexions là où les personnes neuro-typiques (en opposition à neuro-atypiques) n’en ont pas. Je suis aussi un zèbre (=surdouée/hypersensible). Parfois, je me sens comme un super sayien !
J’ai lu des dizaines de témoignages de femmes qui, comme moi, ont reçu leur diagnostic sur le tard, à l’âge adulte et beaucoup disaient que, pour elles, cela avait été une libération, un soulagement… Pour moi, ça a été l’inverse. Comme je l’ai écrit plus haut, ma dépression m’a poussée dans les retranchements de mon être et je suis allée chercher de l’aide. J’ai vu plusieurs spécialistes, payé 850 euros pour mon diagnostic dans le privé (5 ans d’attente dans le public…) et… j’ai sombré. Pour moi ce n’était pas une libération comme je l’avais espéré, ça a été le coup qui m’a fait basculé et perdre tous mes repères. Pendant 30 ans, j’ai fait des efforts, conscients et inconscients, pour me fondre dans la masse. Je me suis brimée, je me suis forcée, je me suis adaptée… Jusqu’à devenir cette femme que personne ne soupçonnerait d’être autiste, pas même moi.
Le problème de l’autisme, et particulièrement en France, aujourd’hui, c’est le manque d’informations et de capacité de diagnostic. J’ai vu des psys, enfant et adolescente, pour des troubles du comportement et des troubles dépressifs. Pourtant, aucun d’entre eux, aucun, n’a soupçonné un seul instant que je puisse être autiste et encore moins asperger. Pourquoi ? Parce que les statistiques. Il y a plus d’autistes hommes que femmes… Alors on a mis mes troubles du comportement sur le « dos » du traumatisme de la mort de mon frère. Étais-je traumatisée ? Bien sûr ! Mais cela n’expliquait pas le fait que je détestais être touchée.
Un autre exemple : Il y’a sept mois, mon médecin traitant m’a mis sous traitement pour ma dépression, sans m’envoyer voir un psychiatre spécialisé… Et ça a failli me tuer. (attention moment confession intime !) Il pensait pouvoir me soigner parce qu’il avait été à une conférence sur les personnes hypersensibles. Je l’ai cru… Et j’ai planifié mon suicide. Je ne l’ai pas fait, je n’écrirais pas ces mots sinon, mais il était planifié. Je m’en suis sortie grâce aux conseils de ma psy au Canada, de ma naturopathe et de ma culpabilité. Je ne pouvais pas faire ça à ma mère. Puis, j’ai arrêté ce traitemen et ma guérison a commencé. Cette molécule, contrairement à ce que mon médecin disait, ne m’allait pas et il n’a pas cherché plus loin parce qu’il n’était pas informé.
La dépression est une maladie, et là encore, des personnes de mon entourage proche ont rejeté mon diagnostic, sous prétexte que je devais me secouer un peu…
Il serait temps d’évoluer notre perception de la maladie mentale et des troubles du développement… Vous ne pensez pas ?
Suite à ma demande de diagnostic et l’arrivée du fameux, j’ai essuyé les « Mais non ! » , les « De toute façon, c’est rien », « Ça ne change rien », « Non, moi je pense pas », « At alors ? » , « Moi, je connais un petit garçon autiste qui n’est pas comme toi », « Moi, je pense que c’est une crise identitaire »… Comment dire… Imaginez qu’on vous refuse votre identité, votre nom, votre couleur de peau, de cheveux, la couleur de vos yeux, votre sexualité, qui et ce que vous êtes… Comment vous sentiriez-vous ?
J’ai trouvé mon réconfort dans des consultations avec ma psy, avec ma naturopathe, avec des personnes que je payais pour m’écouter et qui avait un savoir qui allait au-delà de la simple image qu’on a de Forest Gump ou de Sheldon Cooper (Excellentes représentations, stéréotypées certes, des caractéristiques des personnes Asperger… Malheureusement souvent tournées en ridicule au profit de l’humour. Est-ce que ça leur aurait fait mal aux scénaristes de placer le mot « autisme » dans les dialogues ? Sérieux…).
Aujourd’hui, 8 mois après mon diagnostic, installée dans ma nouvelle routine que j’ai choisie, libérée de ma dépression, je peux vous dire : JE SUIS AUTISTE ASPERGER ! Et je peux le dire avec un brin de fierté dans la voix, je suis considérée comme une rareté statistique tout de même. Et si vous êtes arrivé jusque-là dans votre lecture, premièrement, je vous en remercie, et ensuite, j’espère que cela vous encouragera à regarder ceux qui vous entourent différemment, qu’ils soient autistes, atteint d’une maladie mentale, ou tout simplement quelqu’un. Parce que nous sommes tous uniques à notre façon, n’est-ce pas ?
Alors c’est quoi être Asperger ?
Je ne vais pas vous recopier le manuel de psychologie, mais en gros (et je parle principalement de mon expérience) :
Les personnes Asperger sont décrites comme des autistes de haut niveau, c’est-à-dire avec un QI supérieur à la moyenne. Cela ne fait pas de nous des Einstein à tous les coups ! Et nous ne sommes pas surdoués pour quelque chose en particulier, nous sommes juste très « obsédés » par ce sujet.
Nous avons des intérêts restreints, je les appelle mes obsessions. Si vous m’avez rencontrée en personne, je vous ai probablement parlé de claquettes pendant des heures !
Nous sommes jugés « bizarres », « malpolis », « froids », « distants », « sans emotion » ou “sans empathie”, parfois même « bipolaires »… Nos interactions sociales sont difficiles. On ne nous aime pas beaucoup au premier abord (et parfois jamais xD). Si vous pensez que je vous regarde dans les yeux, c’est parce que je maîtrise l’art de la triche à la perfection ! Je ne regarde pas vos yeux, mais vos sourcils. Le contact visuel est très anxiogène ! Les sourcils ça passe ;).
Nous aimons notre routine, oh ça oui ! J’ai longtemps combattu cette envie de régler mes journées au couteau, parce que je pensais que je n’étais pas normale, que j’étais « folle », mais aujourd’hui, je revis. Réveil à 7 h, petit-déjeuner, douche ou sport en fonction du jour, déjeuner à telle heure, dîner à telle heure, le vendredi, c’est tel plat etc… Les routines nous rassurent, ce sont des repères qui nous permettent de nous projeter et de nous sentir bien. Merci de ne pas nous forcer à les ignorer.
Et ensuite (mais pas pour finir, car la liste est aussi longue qu’il y a de personnes neuro-atypiques ) : l’anxiété. Les sources d’angoisse sont constantes, elles sont partout. Le métro qui arrive à la station fait monter ma tension en mode Up Up Up ! Le vent me fait peur, les contacts non désirés sont comme de papier ponse sur ma peau, les gens qui parlent trop fort, les actions spontanées, les bruits tout court parfois, les lumières, le satin sur ma peau me brûle, certaines odeurs, certaines couleurs, certaines notes de musique, la foule, rencontrer de nouvelles personnes, rentrer dans une boutique que je ne connais pas, faire quelque chose de nouveau, changer de marque de yaourt… Et j’en passe.
Nous sommes sensibles à ce qui nous entoure, si bien que notre cerveau capte en continu des tas d’informations. Si vous me parlez à côté de deux personnes qui parlent entre elles ou d’un bruit léger, je risque de ne pas entendre ce que vous dites parce que mon cerveau ne voudra pas faire de focus sur vous (ne le prenez pas mal surtout !), il va tout capter avec la même intensité.
Bref… La liste est longue. 😉
Je suis toujours ravie de répondre aux questions bienveillantes et mues par une curiosité intellectuelle, alors n’hésitez pas.
Merci de m’avoir lue.
Mélanie, alias Alex Sol
Édit : j’ai bcp écrit à propos des aspects handicapants mais j’ai oublié de préciser les côtes positifs (en tout cas pour moi 🙂 ) : je détecte les schémas comme un chien flaire une piste. Je comprends vite. Je suis tenace, loyale à la vie à la mort, et inépuisable. J’ai une coordination bidon, mais je peux m’entraîner pdt des heures à parfaire un seul pas. J’ai une empathie étrange très développée. J’ai une imagination inépuisable (et parfois fatigante). Je me souviens de mes rêves dans les détails (y compris les odeurs). J’ai une super mémoire. Mon inconscient travaille bcp pour moi. Je devine les fins de film (cf schéma) les suites de notes… J’ai une très grosse capacité d’anticipation Etc Etc… Et même que parfois je suis Badass ;).